Inside Basket Europe : Bonjour Romain, merci de prendre le temps de répondre à nos questions. A 25 ans, tu décides de mettre un terme à ta carrière de joueur professionnel, alors que tu es un bon joueur de Nationale 1. Pourquoi as-tu pris cette décision ?
Romain Hillotte : Tout simplement car je n'ai plus l'envie. Aujourd'hui je désire tourner la page du monde pro. Depuis mon plus jeune âge je rêvais de vivre du basket, être professionnel, passer à la TV. Mais malheureusement ce monde auquel je suis confronté n'est pas celui que j'idéalisais quand j'avais 7 ans. Beaucoup de mauvais côtés, qui ont fait qu'il est temps que je prenne une autre direction dans ma vie.
Pourtant le monde professionnel fait rêver beaucoup de gens. Qu'est-ce qui t'a fait d'arrêter du jour au lendemain ?
Je ne suis pas en train de déconseiller les jeunes de ne pas poursuivre leur rêve de devenir un jour basketteur professionnel, au contraire je les encourage à persévérer. Tout le monde est étonné car c'est tôt, très tôt même, mais c'est un choix purement réfléchi avec les membres de ma famille. Je suis en reconversion professionnelle. Le basket n'est plus ma priorité. Je veux avancer dans la vie active, préparer des choses pour ma vie future, ne plus jouer avec la pression de se dire que si je suis moins performant je pourrais me retrouver sans club. Je suis impatient d'écrire une nouvelle page de ma vie où je serai heureux et épanoui.
Comment juges-tu ce monde professionnel ?
Je suis mitigé. A la fois il m’a fait vivre des choses que peu de monde a vécu. J'ai quand même joué la coupe d'Europe avec Pau-Orthez, connu l'Equipe de France U20 avec des joueurs comme Evan Fournier, Léo Westerman, Rudy Gobert, Will Yeguete, des personnes qui sont aujourd'hui des joueurs NBA ou des joueurs importants de Pro A. J'ai aussi eu la chance de participer à deux Final Four en 4 ans en NM1. J'ai des amis à Cognac, Rueil, Angers. Voilà le positif du monde pro, des expériences inoubliables et de superbes rencontres. Mais par moment, ce monde ne me plaisait plus. Je me sentais frustré d'essayer de comprendre pourquoi tel joueur signait dans ce club avec un bon contrat alors que moi je me sentais du même niveau voir meilleur que lui, mais je ne signais pas du tout le même contrat. Je passais mon temps à râler, quand je me levais le matin je n’avais plus de motivation. Mentalement ce n’est pas facile et je pense que par moment j'ai été faible.
Ce n'est pas ce que tu t'imaginais petit quand tu voulais en faire ton métier ?
Moi j'ai vraiment commencé à penser que je pouvais vivre de ce sport à 18 ans. Je décidais de signer à Orléans, qui à cette époque est l'une des plus grandes équipes de France. J'y rencontre Laurent Sciarra qui me donne envie de devenir basketteur. C'est lui qui m'a donné envie d'y croire. Quand je reviens à Pau en espoir, je suis un autre joueur. Ça se passe très bien, j'intègre le groupe de Didier Dobbels et j'aspire à, pourquoi pas, signer mon premier contrat Pro à l'Elan Béarnais. Je n'ai pas eu cette chance et avec du recul je peux affirmer que je n'avais pas le niveau pour jouer en Pro A et je ne l'aurais jamais eu. J'ai joué 4 ans en NM1 et si tu m'avais dit à 20 ans que j'arrêterais ma carrière 5 ans plus tard, je t'aurais dit : "Non. J'ai 20 ans, ça marche très bien, tout roule je suis heureux pourquoi j'arrêterais?" Mais j'ai fait un choix, j'ai pris du recul sur mon niveau et je me suis rendu compte que je suis sans doute arrivé à mon maximum. J'étais loin d'imaginer toutes les facettes de ce métier de basketteur professionnel.
Empêcherais-tu un jeune de tenter une carrière pro s'il n'est pas sûr de jouer en Pro A ou Pro B ?
Non, jamais de la vie. Au contraire, je pense qu'il faut tout faire dans la vie pour réaliser ses objectifs. Moi aujourd'hui quand je regarde ce que j'ai vécu grâce au basket, je me rends compte que j'ai de la chance. Peu de gens ont connu les émotions que j'ai ressenties par moment sur un terrain de basket. Evidemment que j'aurais adoré être un joueur de Pro A, mais je n'avais pas le niveau. Ma vie aujourd'hui n'est plus accès sur le sport, mais l'expérience que j'ai acquis durant mes années dans le monde du basket vont me servir dans ma vie future. Si un jeune à l'opportunité de devenir pro, il se doit de foncer. S’il aime ce sport pour s'entrainer quotidiennement alors il doit le faire. Moi j'ai tout simplement fait un bilan, j'ai fixé mes priorités de vie et je ne me voyais plus dans ce monde-là.
Donc tu ne fouleras plus de parquet de basket ?
Oh non loin de là. Je voulais retrouver de la stabilité, c'est pour ça que je reviens dans le Sud-Ouest de la France, dans mes Landes natales. Je vais jouer à Mont de Marsan en Nationale 3. Pour la première fois de ma vie je vais évoluer avec mon grand frère, chez nous dans les Landes. C'est une énorme fierté.
L'an prochain, on va te retrouver en Nationale 3 ?
Oui, certes je voulais arrêter d'en faire mon métier, mais le basket reste ma passion. Je voulais revenir chez moi, pouvoir jouer dans un niveau plus bas mais surtout m'installer dans un projet de jeu et de vie. Mont de Marsan descend en Nationale 3, je connais le club pour y avoir joué jeune, je vais retrouver mon coach que j'avais en cadet, mes coéquipiers et mon frère. On sera 7 joueurs formés au Stade Montois et je trouve cela génial. L'objectif du club est de former les jeunes joueurs à évoluer un jour en nationale 2. J'espère que le club pourra très vite remonter et redevenir une place forte du basket landais.
Ressens-tu une certaine pression de revenir chez toi dans les Landes. Tu as joué à un niveau plus haut, les gens vont attendre beaucoup de chose de ta part...
La pression non. Je ne suis pas connu dans les landes, mon frère est plus connu que moi. Ça fait 10 ans que je suis parti. Les gens savent que j'ai été formé à Pau, puis je suis parti découvrir le cursus Pro en Nationale 1, mais voilà je ne suis pas champion du monde non plus, je suis loin d'être une star. Sans doute que lors de certains matchs, des joueurs adverses essaieront de me faire comprendre que même en Nationale 3 il y a de bons joueurs, mais non je n'ai pas de pression, j'ai juste envie de jouer au basket et d'essayer de gagner des matchs comme je l'ai toujours fait. J'ai envie de m’épanouir socialement. Dernièrement ce n'était plus le cas, entraînement, dodo voire un peu de TV rythmaient mon quotidien. Je m'abrutissais, je m'ennuyais, il ne se passait rien dans ma vie.
Revenons sur ton parcours. Comme de nombreux jeunes tu es passé par Pau, mais tu n'y as pas signé pro. Quels sont les souvenirs que tu gardes de tes années paloises ?
Il y a eu deux périodes pour moi à Pau. Mes deux premières saisons puis j'ai signé à Orléans pour revenir terminer ma formation à Pau. Les deux dernières passées à Pau sont sans doute les plus belles de ma vie pour le moment. A Pau j'évoluais en Nationale 2, j'avais 20 ans, je sortais tous les week end, j'étais insouciant, je n'avais pas de responsabilité autre qu'être performant sur le terrain. Aujourd'hui c'est différent, j'ai pris de l'âge, j'ai une voiture, un appartement je me dois d'être beaucoup plus mature. Mais volontiers je reviendrais bien à cette époque-là.
Beaucoup de jeunes aujourd'hui ont des propositions de contrat dans un centre de formation loin de chez eux et certain hésitent à partir. Toi à 18 ans tu as décidé de poursuivre ta formation à Orléans. Quels conseils donnes-tu aux jeunes qui hésitent à franchir le cap ?
Je n'ai aucun regret d’être parti à Orléans. Alors oui, le premier soir où je me suis retrouvé seul je me suis demandé ce que je faisais ici. Est-ce qu’être loin de ma famille, de mes amis était vraiment ce que je voulais. Mais d'un côté, comme je l'ai dit au début, tu rencontres des gens et tu te rends compte de ce que tu as laissé. Quand tu as tout sur place, tu ne sais pas la chance que tu as tout simplement car tu ne ressens aucun manque. Je prends très souvent cette exemple : Quand j'étais à Pau, je me fichais des Pyrénées, quand je suis parti à Orléans et que je revenais sur Pau, je faisais un détour pour les regarder. Mais à cette époque Orléans était une équipe qui jouait l'Euroligue, une compétition que j'adore. Tous les jours je m'entrainais avec des mecs comme Laurent Sciarra, Adrien Moerman, Ludo Vaty, Justin Doellman. Orléans reste pour moi un chapitre important de ma carrière.
On dit souvent que la génération 89-91 à L'Elan est l'une des meilleures que le club ait connue. De nombreux joueurs ayant évolué avec toi en cadets ou espoir sont aujourd'hui dans de grands clubs français ou européens. Que t'as t'il manqué pour signer toi aussi un contrat ?
Du talent tout simplement. C'est une question que je me suis posé plusieurs fois. Que m'a t'il manqué pour signer moi aussi un contrat Pro... C'est sans doute parce je n'arrive pas à répondre à cette question que je mets un terme à ma carrière à 25 ans. J'ai fait de très belles saisons à Pau, mais je savais qu'il me serait difficile d'y faire carrière. Quand je suis revenu de ma campagne en EDF U20, je n'étais même pas convié à l'entrainement. Certains mecs de cette équipe de France étaient déjà des joueurs de rotation en Pro A, d'autres des futurs joueurs NBA. C'était Paco Lauhlé, à l'époque assistant, qui me disait tous les jours si j'avais l'autorisation de m'entrainer. Je savais à partir de là que le club ne comptait pas sur moi, c'est pour ça que je n'ai pas de regret particulier. La Pro A était une marche trop haute. Tous les joueurs formés à L'Elan Béarnais ne finissent pas en Pro A ou en NBA. J'ai quand même gagné un trophée du futur avec des joueurs exceptionnels comme Thomas Heurtel, Flo Lesca, Jean-Fred Morency, Remi Lesca. Certains de ces mecs sont aujourd'hui mes amis et ça c'est le plus important.
1 an avant d'arriver à Pau, tu as eu le privilège de jouer un Championnat Du Monde à Pau UNSS avec ton Lycée. Quelle sensation cela procure de représenter la France à 16 ans, avec ses amis de classe ?
Mémorable. Je revois souvent les gars avec qui j'ai joué cette compétition, on en rigole encore. On était de sacré numéro, la veille de la finale on avait pris un apéro jusqu'à pas d'heure. On était une bande de potes, 10 jeunes originaires des Landes. On avait été champion de France face au Mans une année avant à la surprise générale et là on se retrouvait à jouer un Championnat du monde. Deux ans avant il se déroulait au Brésil, deux ans après dans un autre pays exotique, mais là c'était la ville de Pau qui organisait ce tournoi. On était un peu déçu car on voulait faire la fête ailleurs, mais aussi heureux de savoir que le public allait nous soutenir pendant la compétition. On a joué la finale au Palais des Sports, devant beaucoup de monde, à 16 ans c'est magique. A ce moment de ta vie tu es loin de penser à ta carrière, tu penses juste à prendre du plaisir sur le parquet. Je n'oublierais jamais ce tournoi-là, j'ai d’ailleurs eu la chance de faire un très bon tournoi.
Non conservé par l'Elan tu t'engages à Cognac, puis Rueil et enfin tu termines à Angers ? Que retiens-tu de ces années passées en Nationale 1 ?
Beaucoup de souvenirs. 1er année à Cognac, je participe à mon premier Final Four de N1, je retrouve Miguel Buval avec qui je jouais à Pau. Nous étions à un match de jouer la finale pour monter en Pro B, mais malheureusement nous avons perdu. L'année d'après, nous étions à un match de descendre en N2. On se maintient à la dernière journée à Vichy. Beaucoup d'émotion ce soir-là. Je retiens de mon passage en Charente, deux opposés. Une année la gloire, l'autre la peur de descendre. Ensuite je m'engage avec Rueil. Sur un plan personnel assez difficile car je me blesse. Mais on fait une bonne saison sur le plan collectif. J'ai de nouveau joué les playoffs pour monter, c'était la 1ère fois depuis leur dépôt de bilan que le club jouait l'ascension en Pro B. Puis Angers, où je pense avoir fait ma meilleure saison depuis que je joue en N1. J'avais la confiance du coach, je ne me suis pas blessé et les résultats ont été bons. Je perds encore une fois en demi-finale, mais ça reste une très bonne saison pour le club et moi. Le fait d'avoir joué longtemps en N1 m'a aussi permis de jouer contre des potes.
Pour ton dernier match de ta carrière en N1 tu perds en demi-finale d'accession contre Aix-Maurienne. Pas triste de finir comme ça ? Ta décision d'arrêter était déjà actée ?
Oui j'avais déjà pris ma décision. Angers ne m'a jamais fait part d'une envie de me prolonger assez longtemps pour que je ne puisse pas avoir d'inquiétude sur la suite de ma carrière. Je voulais signer un contrat de longue durée pour qu’en parallèle je puisse rejoindre la fac pour entreprendre une formation. Mais cela n’était pas possible. Oui j'aurais aimé gagner mon dernier match, mais je suis surtout triste de la façon dont nous avons été arbitré. Je ne dis pas que c'est la raison de notre défaite, mais ce genre de match doit être arbitré par des gens compétents. Quand à -1 à quelques secondes de la fin, l'arbitre ne siffle pas un retour en zone évident que toute la salle voit, je peux te garantir que c'est rageant. C'est le pire moment de ma carrière, j'ai les boules, je me suis senti volé tout simplement. Le plus triste dans tout ça c'est qu' à la fin du match certains médias m'ont interrogé par rapport au match et j'ai parlé de la grossière faute d'arbitrage. Personne n'a repris mes paroles. C'est dommage car une personne qui a suivi de loin le Final Four n'est pas au courant que deux arbitres ont tout simplement décidé du sort d'une saison.
Merci beaucoup Romain de ta disponibilité, tu as l'occasion de remercier toutes les personnes qui t'ont permis de devenir professionnel, mais avant tout un homme responsable. A qui souhaites tu t’adresser ?
C'est difficile tant beaucoup de gens me viennent à l'esprit. Au fur à mesure de mes années j'ai rencontré beaucoup d'entraineurs, avec certains ça s’est très bien passé mais avec d'autres beaucoup moins. J'aimerais tous les remercier car chacun te fait grandir en tant que basketteur mais avant tout en tant qu'homme. Laurent Villa par exemple, m'a fait beaucoup travailler. Mes parents bien entendu car tout démarre d'eux. A 12/13 ans, ils m'ont encouragé à vivre mon rêve. Une fois arrivé à Orléans, je n'étais pas payé et ils ont tout assumé financièrement pour que je puisse faire une carrière. Pour finir j'aimerais remercier Laurent Sciarra : il m'a fait comprendre beaucoup de choses et surtout la plus importante qui est de croire en moi. Il m'a suivi, il me suit encore. C'est une personne incroyable, qui a une aura formidable. Humainement c'est une personne unique, il faut le prendre comme il est avec ses excès. C'est mon mentor. Quand je l'ai appelé pour lui annoncer ma décision d'en finir avec le monde pro, il m'a soutenu même si au fond de lui je sais qu'il était un peu déçu. Mais après discussion il a compris mon choix d'être épanoui dans ma vie.